vendredi 18 janvier 2008

INTERVIEW ISABELLE DESROCHES

Interview Isabelle Desroches actuelle présidente de l’association « Etre…Humains, soins pour le Monde »

Maya Parent-Picandet (Etudiante 3ème année IEATC): Isabelle, peux-tu nous parler de la naissance
d'"Être...Humains "?
Isabelle Desroches : « Etre…Humains, soins pour le Monde », est né un soir de séminaire à St Marcellin, en 2003, le 20 mai exactement, après une journée de cours. Thierry
(Bollet) nous a parlé de son désir de mission humanitaire (et d’une
mission déjà tentée à Leh au Laddak en Indes Himalayenne où l’école s’est fait escroquer par un Lama médecin). Je me souviens, ce soir là, l’ambiance était exaltée et chaleureuse. Une cinquantaine d’étudiants environ ont décidé de se lancer dans l’aventure.
C’était un peu fou. Mais quelle joie !
Tony Roméro a été élu président, j'étais la vice-présidente à l'époque, Cédric Tisseyre
le secrétaire, Benoit Malphettes le trésorier, Corinne Saffache et Yann Poulhalec leur adjoint respectif et il y avait de nombreux membres.

MPP
: Quelle a été la deuxième étape ?
ID : Ensuite c’est l’étape clé, mais aussi, longue et douloureuse de la rédaction des statuts, de la Charte, du Code de Déontologie, de la création des Commissions et bien d’autres documents administratifs. Nous nous réunissions régulièrement, chose pas facile vue l’éloignement géographique des uns et des autres) une dizaine de personnes à chaque fois. Chacun avait une tâche bien définie. De nombreuses personnes nous ont bien aidé dont un groupe d’étudiants en formation de webmasters au GRETA qui a choisi de réaliser bénévolement le site Internet de EH dans le cadre de leur examen de fin d'études.

MPP
: Comment s’est fait le choix de la première destination ?
ID : Thierry avait un bon contact avec un médecin gabonnais, Eric Baye. En novembre 2003, Thomas Cantegrit, jeune praticien issu de IEATC, est parti une semaine sur l’hôpital central de Libreville et en brousse, accompagnant une mission humanitaire Gabonaise ; il a été très chaleureusement reçu par Eric Baye sur place. Sa mission consistait à compléter le dossier d’évaluation et de logistique qui a pour objectif de collecter les informations pour concrétiser la mission. Il a passé son séjour à Libreville en dispensaire pour établir une évaluation sanitaire, les conditions de vie, l’hygiène, les pathologies les plus fréquentes afin de les étudier avant la mission.
Cette Mission était officiellement accréditée par le Ministre de la Santé, le Directeur Régional de la Santé, le Directeur de l’hôpital Central de Libreville, et 2 chirurgiens en sus du Dr Baye. De plus elle bénéficiait du soutien dans tous les domaines de deux associations gabonaises dont une ONG humanitaire.

MPP
: Et ensuite…
ID : Ensuite nous avons fait une évaluation logistique: repas, hôtel, matériel nécessaire, budget sur place etc. Et l’étape suivante consistait à rechercher des volontaires. L’objectif étant : être
toujours deux sur place au minimum et se croiser pour le suivi des patients. Les billets d’avion étaient pris en charge par les Délégués et le matériel (aiguilles, moxa etc.) nous a été offert ou vendu à prix très réduits par les fournisseurs partenaires.

MPP : Recherchiez-vous un partenariat avec d’autres médecines ?
ID : Oui bien sûr, ça fait partie des intentions de EH. Et puis il y a beaucoup de monde à soigner, toutes les médecines sont bien venues.

MPP : Quelles sont les pathologies que vous avez répertoriées au GABON ?
ID : Il y a beaucoup de pathologies d' humidité. Dérèglement Rate/ Estomac. A cause d’une mauvaise alimentation entre autres. Le Gabon est le pays le plus humide d’Afrique (il pleut fréquemment). Il y a un fort taux d’obésité (surtout à Libreville suite à l’explosion de la consommation de coca et de Mac Do, eh oui !). Les langues sont larges, blanches et humides.

MPP : Pourquoi la mission a t-elle échouée ?
ID : Quelques jours avant notre départ, un changement de gouvernement a eu lieu au Gabon, et le nouveau Ministre de la Santé n’a pas accepté les choix de son prédécesseur. Eric Baye a perdu les contacts qu’il avait et nous n’avons pas pu concrétiser la mission.
C’était une énorme déception pour nous tous.

MPP : Et le deuxième projet ?
ID : Le deuxième, ce fut le Laddakh à nouveau avec l’Association NOMAD qui s’est surtout attachée à ponctionner de l'argent à Thierry sur de belles promesses jamais tenues une fois l’argent récolté. Ensuite il y a eu le Sénégal, l'afrique du sud, le Burkina fasso puis le Niger. Enfin, la Mauritanie, beau projet que nous avons présenté au congrès de la FNMTC.
Notre contact, toute jeune diplômée de la S.F.E.R.E, a proposé le projet et est partie en mission d’évaluation en 2004.
Elle a rencontré le Directeur de l’Hôpital d'ATAR en Mauritanie. "Etre...Humains" devait intervenir au sein de l’Hôpital pour former 25 étudiants du monde médical et soigner dans un superbe service tout neuf ; l’hébergement était prévu par le Directeur. Lors du congrès national de la FNMTC à Aix en Provence, nous y avions été invité pour présenter nos activités aux écoles et aux Congressistes, mais nous nous sommes trouvés pris à parti, par une association qui s’arroge le monopole mondial des enseignements et formations humanitaires en Acupuncture.
Sous de fallacieux prétextes, non fondés par ailleurs, sur la compétence des membres de EH en matière d’enseignement, puisque 3 professeurs de IEATC, dont Thierry, devaient partir en Mauritanie, ce projet fut torpillé par cette association afin que EH en soit dessaisi.
Depuis, nous avons préféré cesser nos relations avec cette Association et la FN MTC.
Notre projet, loin de tout ego, était d’ouvrir nos activités et missions à toutes les écoles françaises et leurs étudiants afin de valoriser l’image des non médecins aux yeux du monde scientifique et médical français par des preuves incontournables de leurs compétences et non des stages sans fin en Chine lesquels n’apportent vraiment rien de concret.
C’était en 2005.
Depuis nous avons décidé de mettre en sommeil l’association car l’objectif de EH est d’être sur le terrain or nous nous sommes usés à monter les projets, sans concrétisation.
Il y a eu une grande démotivation de la part de tous les membres.

MPP : Isabelle, pourquoi as-tu choisit de t’investir dans cette
association ?
ID : les missions sont pour moi une extension indispensable à la pratique de l’acupuncture. C’est le moyen de sortir du cabinet et d’aider les personnes qui en ont le
plus besoin. L’occasion également de rencontrer de vraies pathologies que l’on
ne voit pas forcément en France. Mais l’idée de départ c’est : « aider » sincèrement et simplement avec tout ce qu’on est et ouvrir son cœur.

MPP : Et l’acupuncture comment y es-tu arrivée ?
ID : j’ai été infirmière pendant 10 ans, et je trouve qu’il y a un côté restrictif dans la prise en charge du patient qu’on ne considère pas dans sa globalité. Un jour j’ai rencontré une personne qu m’a parlé de médecine chinoise et ça a fait « tilt ». Tout d’un coup je mettais les mots sur mes recherches depuis toujours. Ah oui aussi une notion importante pour moi, pouvoir soigner avec très peu de matériel. L’acupuncture est un fabuleux outil universel.

MPP : Et aujourd’hui alors qu’en est-il ?
ID : Aujourd’hui un nouveau pays s’ouvre à nous, grâce à Sandrine (étudiante de 2ème année).
Thierry et moi y sommes allés en évaluation en août et octobre 2007, puis Thierry y est retourné en décembre et a eu plusieurs contacts très favorables de haut niveau.
Il est vrai que c’est plus simple parce que plus près de chez nous. Sandrine y réside et recherche pour « Etre…Humains » un local pour nos actions. Les habitants sont très ouverts à
l’acupuncture. (Nous y avons de nombreux contacts, 2 autres écoles d’Acupuncture et beaucoup de partenaires renommés se sont joints à nous, et aussi la Croix Rouge locale. Nous avons deux projets, sur 2 grandes villes, peut-être une autre parmi les principales du pays, avec un soutien officiel du Gouvernement et des instances de grande réputation (mais, chut …., nous sommes bien plus prudents à présent et moins généreux envers nos « Confrères » ).

MPP : Quelles sont les difficultés possibles dans ce pays ?
ID : Il n’y a pas de pays sans difficulté, mais parlons plutôt des avantages : le Français est une langue courante, la proximité bien plus avantageuse que la lointaine Afrique, le coût des transports (Easy Jet) sans commune mesure (pour nos faibles moyens), l’amabilité extrême des gens, les soutiens et l’accueil très favorables reçus (dont de hautes personnalités du pays), l’importance des besoins à la mesure de nos intentions. La multiplicité des dispensaires et orphelinats où nous préférons agir, les activités de soins centrées sur les campagnes plutôt que les grandes villes. Ce pays est en plein essor et développement par rapport à l’Europe et fait tout pour y favoriser des actions « Humaines » de ce genre.
La liste des atouts est longue quant aux difficultés, à part le temps pour mener à son terme l’organisation de tout cela, elles sont minimes.
Notre seul souci est de nous engager et de donner notre parole alors que nous nous demandons sérieusement si nous aurons suffisamment de volontaires Délégués de notre Association pour y aller. Pourtant, le plaisir (réel) et le charme du pays devraient suffire à eux seuls pour convaincre beaucoup d’y courir tout de suite. Le Bonheur de l’avoir fait est assuré !

MPP : Merci beaucoup Isabelle et à bientôt.